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GOODIES

Duncross

Oyez gentes damoiselles et beaux gauliters, l'histoire de Sir Duncross, l'impitoyable pourfendeur de vils malfaisants. En des temps éloignés, dans de vastes contrées, il loue ses services et son art aux puissants qui ont maille à partir avec les démons. Duncross va à la mortaille sans peur, il occit le Malin sans coup férir. Ses nombreux combats sont retranscrits par le père McKellen, qu'il sauva naguère. Tous deux voyagent au gré de l’aventure.Après François Schuiten (Le dernier Pharaon), c’est au tour de Floc’h de proposer sa vision de l’univers jacobsien. Figure majeure du mouvement de la néo-ligne claire de la fin des années soixante-dix, le choix du co-auteur de Blitz se montre à la fois logique et stimulant. Jean-Luc Fromental et José-Louis Bocquet lui ont tissé un scénario sur mesure, axé sur l’espionnage façon Alfred Hitchcock plutôt que sur l’aventure pure et dure. La première chose qui saute aux yeux est le choix de la stylisation emprunté par Floc’h. Pureté du trait, encrage net, cadrages et découpages recherchés, le curseur de la ligne claire a été poussé au maximum. Le résultat s’avère d’une précision et d’une élégance remarquables. Cependant, ce traitement visuel radical, associé à une mise en couleurs tout en aplat, finit par conférer à l’album une atmosphère plus hergéenne que jacobsienne. Ce glissement et échange des styles et des rendus est amusant à observer. Puis, pourquoi pas, il s’agit d'un hors-série en fin de compte. Autre discordance peut-être plus gênante, un certain manque d’unisson entre le récit et l’approche graphique se fait remarquer. L’histoire imaginée par Fromental et Bocquet, malgré ses qualités intrinsèques, ressemble plus à une aventure calibrée pour la série régulière qu’à une exploration ou une réinvention. Le résultat n’est pas désagréable, loin de là, mais le classicisme de ces péripéties restreint ou estompe une partie de l’ambition esthétique mise en œuvre par le dessinateur. Sur une note positive, il est plaisant de noter que le lecteur a été épargné des interminables récitatifs habituellement associés au travail d’Edgar P. Jacobs. Sun Tzu conseille d’avancer masqué et de surprendre son adversaire. Dans L’art de la guerre, Floc’h ne se cache aucunement et impose immédiatement ses intentions artistiques. Percutant, voire presque effronté, l’exercice est globalement réussi, même si un peu plus d’audace dans le propos aurait certainement renforcé la pertinence de l’entreprise.